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Isabelle I, peintre et photographe. Pour Isabelle I, peindre n’est pas « seulement » peindre, c’est La volonté de créer pour comprendre le monde ! Isabelle I prend un risque avec son art : celui de se mettre à nu en permanence ! Mais elle s’honore et nous respecte, car c’est le rôle de l’art que de dire et de porter au jour le fond caché des choses : « Peindre comme photographier sont réellement pour moi des actes militants. Une façon de revendiquer la liberté d’expression ». Il s’agit pour l’artiste d’une recherche vitale, d’un processus d’investigation dynamique et singulier qui pourrait presque être qualifié de « forcené », tant sa foi en l’art et l’investissement qu’elle y consacre semblent essentiels à son existence. Engagée dans l’art depuis une vingtaine d’années, chaque jour d’atelier lui ouvre de nouveaux chemins. « Je vis l’Art, je le pense de façon obsessionnelle… J’en suis possédée : L’art fait partie intégrante de ma personne. Je ne peux m’en détacher, tout ce qui m’importe, c’est mon travail, ma création… Et la tournure que prend ma vie grâce ou à cause de l’art. L’art a donné un sens à mon existence. » Et, si l’art peut donner un sens à l’existence d’un artiste, c’est aussi parce qu’il témoigne de l’esprit des hommes, des civilisations, des sociétés et qu’il nous préserve du néant ! Tous les thèmes d’Isabelle I, dans une chronologie étudiée, portent cette volonté de mener une exploration minutieuse à l’assaut des « méandres de l’être ». L’écume des jours En face, dès l’entrée de l’atelier, il y a cette immense Monumentoile * de 3 m x 4 m, dont la hauteur excède celle du plafond et qui, par force, déborde au sol. On y pénètre physiquement tant son aura absorbe, c‘est un portrait géant, issu du thème Présences-Portraits. Cette grande version vient d’un polyptyque comprenant une série de formats beaucoup plus petits, un ensemble débuté en 2015, affichant vingt figures de face. Une œuvre d’une force rare, donnant la mesure des préoccupations de l’artiste : alternativement explosives ou sereines, spirituelles ou philosophiques, poétiques ou … politiques ! Isabelle I aime les défis, les contrastes, elle y puise l’élan et l’énergie qui l’aident à révéler jour après jour cette part vibrante de l’écume des jours, dont les échos modèlent la véritable nature du monde. Les méandres de l’âme À Présences-Portraits succède naturellement, en 2016, la série joliment intitulée Les Méandres de l’Âme, qui confirme l’inclination de l’artiste à une introspection explicite de l’âme. Il s’agit de la présentation de figures anthropomorphiques sous la forme d’un second polyptyque, une galerie de portraits juxtaposés alignés comme à la revue. Chacun d’entre eux est accompagné d’un totem facial affichant un être intérieur. Parmi ceux- ci peut-être notre propre clone ? Une série toujours poursuivie, à la recherche d’autres entités ? Et, si c’est bien Isabelle I, qui pose en arrière-plan, c’est nous qui sommes convoqués ! Hier, l’organisation de la société pouvait séparer socialement les êtres. Aujourd’hui d’autres relégations peuvent se faire dans l’espace vacant des cerveaux par le biais des réseaux électroniques. En revanche, dans la peinture se trouvent des constantes propices aux partages, à la rencontre et à la liberté. Elles sont consubstantielles à la nature de l’art à laquelle nous pouvons accéder au travers de nos différences. C’est pourquoi, là où ressurgissent les dogmes, les dictatures, l’art est combattu, censuré, détruit… comme on l‘a vu encore récemment à l’encontre de monuments millénaires. La peinture offre un miroir à son temps. Dans l’œuvre d’Isabelle I, elle interpelle, proposant au travers de ses ombres et de ses lumières quelques entrées pour comprendre de quoi nous sommes faits. « Il ne s’agit pas de reproduire la réalité, mais de construire ma propre vérité. Dans les peintures et photographies intitulées Les Méandres de l’Âme, il est question de retranscrire mon ressenti du moment, de puiser au plus profond de mon être, pour mettre en exergue la multiplicité des sentiments. Dissimuler mon visage est une façon de m’interroger également sur les fondements de l’identité. Ce travail symbolique, spirituel et atemporel est un long processus, mais surtout une envie insatiable de comprendre la nature humaine. » Autodidacte, Isabelle I décline ses thèmes à l’épreuve de diverses techniques expérimentées au fil d’un long apprentissage : le dessin, la peinture et la photographie, lui permettent désormais d’explorer toutes les arcanes de son imaginaire, d’en tester la pertinence et d’avancer par étapes. La trajectoire est rude, c’est une bataille ! France « Delacroix peignait, en son temps, La Liberté guidant le peuple. Moi, j’ai voulu photographier une Marianne moderne. » Si l’on remonte dans les arcanes de sa production, une étape de sa recherche passe par une déclinaison flamboyante. Le thème France est créé en 2010. Il s’agit en fait d’une mise en scène photographique réflective, longtemps étudiée, puis créée en lumière naturelle sur une seule journée de prises de vues. Elle est composée de deux cent cinquante-six figures masquées d’un drapeau tricolore. Aimer son pays, c’est aussi le faire parler pour illustrer cette belle liberté d’expression qui nous anime. Nous assistons alors dans cette grande version de France, à un festival de gestes dynamiques où le langage sous les drapeaux est mimé par l’artiste. Une gestuelle inventive dans une chorégraphie ludique tenant à la foi : du langage des signes, d’appels, d‘alertes, de procédures d’appontements, de gestes de tendresse ou de défense. Ainsi, sous un bel aspect esthétique, l’œuvre apparaît délicate, légère et colorée… Mais en réalité, elle est grave et profonde. « Je précise que dans la série France, il ne faut pas se tromper d’interprétation. Cette série transmet d’abord un message de paix et de concorde. Il s’agit simplement de représenter des états d’âme au travers d’autoportraits à la gestuelle étudiée. Et, afin que chacun puisse s’identifier à ce personnage représenté, je déploie un arsenal d’expressions codifiées et universelles. C’est une France personnifiée. » Le regard d’Isabelle I part toujours d’un point focal généré à partir de l’œil ou de l’objectif d’un appareil, puis il parcourt le labyrinthe de la création à la recherche de notre identité. Rémy Le Guillerm - 2017. (Isabelle I, un art militant. Maine Découvertes n°93, Éditions de la Reinette.) |
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